L’architecture se charge de présences, l’inanimé prend vie, le monstrueux se cache dans l’ombre et les émotions prennent corps. Les figures surgissent des peintures et des sculptures telles des spectres, des corps pris dans les lumières artificielles d’un salon, d’un théâtre, d’un club de strip-tease. Nés dans l’intimité - celle de l’espace domestique mais aussi du souvenir, du rêve ou encore du fantasme -, ces « personnages-esprits » s’en échappent pour venir animer l'ensemble des espaces de la Fondation.

Pol Taburet est un artiste français diplômé de l'Ecole nationale supérieure d'art de Paris-Cergy.

Dans ses peintures comme dans ses sculptures, Pol Taburet interroge la relation entre le corps - humain et animal - et l’objet, la manière dont ensemble ils existent dans l’espace domestique, et les glissements entre l’inanimé et l’animé. Il émane des figures qu'il met en scène une puissance mystérieuse et magique qui convoque notre imaginaire.

Son travail mêle diverses sources d'inspiration dont la mythologie et les croyances caribéennes, la culture contemporaine, notamment les dessins animés, séries télévisées et les clips musicaux, et l'histoire de l'art.

En 2022, il est lauréat du prix Reiffers Art Initiative pour la jeune création et la diversité culturelle. 

Il a présenté les expositions personnelles OPERA III : ZOO "The Day of Heaven and Hell" à Lafayette Anticipations, Paris en 2023; OPERA II à C L E A R I N G, Los Angeles, en 2022 et OPERA I à la galerie Balice Hertling Paris en 2021. Ses oeuvres sont présentes dans plusieurs collections.

Transcription

Ça vient de pas mal de choses. Ça vient de l’appartement de mes parents, où il y a beaucoup beaucoup d’objets et je pense que c’est quelque chose avec lequel j’ai beaucoup vécu quand j’étais jeune. Chez moi il y avait aussi ces objets qui ont cette espèce de forme presque animale. Quand j’étais petit, j’avais cette impression en regardant une table, cette table avec des pieds un peu arrondie, d’avoir en face de moi des espèces d’animaux : une espèce de plan et 4 pattes. J’étais plus petit donc les choses paraissent plus grandes, la maison paraît différente…c’est quelque chose qui m’a beaucoup marquée parce qu’on retrouve beaucoup dans mes peintures cette relation entre l'objet et le corps.

C’est cette peur qu’on a quand on est petit, cette peur du noir où toutes les peurs et fatasmes se mettent à exister. On a un tel pouvoir d'imagination qu'on arrive à s’effrayer soi-même et je voulais aussi déclencher ça dans l'exposition, je voulais qu’on soit dans ma tête, même si moi quand je le fais, ça me fait presque sourire parce qu’il y a un côté assez ridicule à ces formes parfois : la forêt de têtes par exemple qui s’apparente à des cyprès et qui sont aussi une référence à Brancusi et c’est aussi une référence à Paul McCarthy; ces espèces de sculptures qui font écho à plein de choses, c’est aussi pour brouiller un peu les pistes et pour ne pas que le·la spectateur·rice s’arrête à une idée et qu’on est toujours en regardant les sculptures, dix-milles lectures différentes, et que chacun·e reparte avec son histoire de l’exposition. Je prends beaucoup de plaisir à créer ces scènes angoissantes et grotesques, une espèce d’humour noir.

Pour les clous, la table où les trains par exemple, ce sont des choses qui viennent de chez moi. Par exemple, les trains, c’est un jouet que ma mère a : un crocodile en bois avec une tranche de bois, un fil que tu tires et qui se met à serpenter d’une certaine manière. La table, c’est une reprise de la table de chez mes parents, et le sphynx c’est parce que j’ai un sphynx.


L’exposition est pensée presque comme ma famille parce qu’il y a cinq têtes de trains et qu’on est cinq dans la famille, il y a cinq cyprès, il y a la table et le sphynx. Et puis il y a les clous qui sont pour moi dans l’exposition, la seule pièce vraiment enfermée. Je les vois comme un secret de famille, ce qui serait le trauma de chacun·e, son trauma intérieur ou ses peurs, c’est ce qu'on cache, c’est peut-être le débarras dans une maison, c’est ton désordre, et c’est important aussi, c’est une balance, il faut avoir du bordel, il faut avoir du chaos en soi, sinon c’est neutre.

Il y a aussi l’esprit religieux qui est très inspiré du côté de ma grand-mère : avec cette salle là qui est presque une espèce de temple pour le sphinx. On a cette montée épique vers les formes; et quand on démarre il y a la fontaine : c’est une forme très féminine aussi dans ma tête, quelque chose de très maternelle et puis elle est assez majestueuse, elle a un côté très ronde et protectrice mais en même temps y a cette pointe qui vient percer cette vision et qui la rend presque dure - non pas que ma mère soit une femme dure - mais il y a ce côté là dans la culture caraibéenne, qui est une culture très matriarcale : il y a cette douceur et cette force. Et je pense que mon père est un peu partout dans l’exposition mais ça je pense que c’est sur les côtés plus psychique : il est psychanalyste. Je pense qu’il y a un côté où il a pas mal guidé l’exposition, il se retrouve un peu dans le sens des peintures et sculptures.

C'est une exposition hommage à plein de gens autour de moi.