WIll Holder & Alex Waterman

Yes, but is it edible?

Performance du 10 mars au 10 mars 2015

Il y a 9 ans et 2 mois

Will Holder (graphiste) et Alex Waterman (compositeur) ont engagé depuis quelques années une réflexion sur la nature de la composition. Ils interrogent la fonction de l’imprimé dans des formes collectives de lecture et d’écriture. Lafayette Anticipations a accueilli les deux artistes en mars 2015 pour une présentation de Yes, But Is It Edible? en collaboration avec castillo/corrales dans le cadre de leur tournée européenne. Pour cette tournée, Will Holder et Alex Waterman liront une heure de duos tirés des opéras "Dust" et "Celestial Excursions" de Robert Ashley.

Le livre Yes, But Is It Edible? (New Documents, 2014) rassemble des interprétations typographiques des partitions pour les opéras "Dust" (1998) et "Celestial Excursions" (2003) du compositeur américain Robert Ashley. Ces deux œuvres n’avaient jusqu’à présent été activées que par Ashley lui-même et ses chanteurs (Sam Ashley, Joan La Barbara, Thomas Buckner et Jacqueline Humbert), à travers des paysages technologiques, imaginaires, acoustiques, organisationnels, sonores et visuels de "Blue" Gene Tyranny, Tom Hamilton, David Moodey, Cas Boumans et Mimi Johnson.À l’exception des collaborateurs avec lesquels le compositeur américain a dialogué pendant près de trente ans, Will Holder et Alex Waterman sont les premiers à se saisir de ces partitions. Celles-ci sont présentées dans Yes, But Is It Edible? avec une sélection d’œuvres d’Ashley produites entre 1963 et 2008, qui toutes mettent l’accent sur les liens mouvants entre l’écriture de la musique et son interprétation.YES, BUT IS IT EDIBLE?De par la longue entreprise qui a donné lieu à la publication de Yes, But Is It Edible?, on pourrait dire que Will Holder et Alex Waterman se sont fait librettistes. La retranscription à l'écrit des œuvres de Robert Ashley en une forme lisible par tous s'attache effectivement à l'écriture d'une partition des voix. Pourtant, aucune portée véritable ne peut y être trouvée.

Si les chiffres permettent de rythmer la page, ce sont bien les mots et leur emplacement, dans un travail typographique et graphique minutieux, qui permet la lecture collective.Or cette lecture collective est seulement possible si chacun peut s'entendre. La lecture performée simultanément par Will Holder et Alex Waterman redonne alors toute sa consistante à l’œuvre de Robert Ashley, dans une réinterprétation épurée de certains passages (sans musique, sans décors). Partant de la même page, ils interprètent au départ, chacun, les mêmes phrases, la même partition, mais à une tonalité différente. Tout est récité sans nuance émotionnelle - on est alors, toujours, à la limite de l'absurde quant au message délivré - un message lui-même amputé de cohérence.

On entend comme une voix intérieure, un stream of consciousness qui devient notre propre conscience : "Picture this. War, right? [...] And it's all around you." (Dust).Il s'agit de la voix démultipliée d'un ancien soldat qui a perdu sa jambe au combat - dont on entend les pensées et l'histoire alors que celui-ci est sous morphine. Ainsi, lorsque Will Holder et Alex Waterman se mettent à déclamer des textes différents, se répondant, se superposant et se rattrapant, nous entendons bel et bien la même personne. Par la lecture de ces textes, il apparaît alors que l'on est face à autre chose qu'une simple collaboration entre deux artistes aux outils et modes d'expression différents. Yes, But Is It Edible? est le résultat d'une opération plus forte : il est en effet question d'une transmutabilité des voix du graphiste et du compositeur jusqu'à l'obtention d'une œuvre certes polyphonique, mais qui part d'un même souffle.