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Notre équipe de médiation vous invite à tendre l'oreille dans l'exposition "visionary company" de Wu Tsang grâce à "Innervision", notre nouvelle série de podcast de visite sonore en cinq épisodes.

Place aux voix de celles et ceux qui œuvrent dans l’ombre au service des artistes et de leurs créations dans cet épisode bonus. Lisa Audureau, chargée de la collection et de la régie des œuvres et Nataša Venturi, responsable de production, nous dévoilent les coulisses de la conception et du montage de l’exposition de Wu Tsang, “visionary company”.

Une série de podcasts conçue par Alexandre Brault, Maxime Decourd et Arthur Menard-Salis.

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Transcription

Cet épisode dévoile une partie du travail de l’équipe de production qui œuvre dans l’ombre au service des artistes et de leurs œuvres. 

Je m’appelle Nataša Venturi, je suis responsable de production à la fondation Lafayette Anticipations. Je suis en contact direct avec les artistes depuis le début de leur projet et aussi avec les commissaires d’exposition. On analyse la faisabilité du projet, on prend tous les aspects pratiques, techniques, conceptuels et on essaie de mettre ça en place dans nos espaces, ou hors les murs. On essaie tous ensemble de définir le projet pour qu’il soit réalisable.

Pour l’exposition de Wu Tsang on a eu une proposition assez ambitieuse dans nos espaces mais on s’est rendu compte que ce n’était pas vraiment faisable d’avoir autant d’œuvres dans un espace comme le nôtre, notamment les vidéos et le son. Pour cette raison on a dû réduire la liste des œuvres et jouer avec le son et avec l’espace et pouvoir présenter une exposition qui est assez cohérente dans tous ses aspects sonores. C’est-à-dire qu’on a eu un même son qui faisait partie de trois vidéos. Après on a eu aussi des contraintes pour l’installation de l’œuvre avec les vitraux, Sustained Glass.

C’est comme je disais avant les aspects pratiques qui vont déterminer ce qu’on peut faire ou ne pas faire. On a fait beaucoup d’allers retours avec l’artiste, la commissaire et la production, sur comment guider ce projet, garder la conception qu’on en avait au début pour parvenir à un bon résultat.

Le bâtiment de la fondation Lafayette Anticipations est assez particulier, il a été conçu par l’architecte Rem Koolhaas. Du fait qu’on ait ses plateformes qui se déplacent on a aussi beaucoup de chutes sonores et de lumière. C’est-à-dire que quand on doit accueillir des projets qui ont un niveau audio-visuel assez rigoureux, quand on doit avoir un espace complètement noir ou si on doit avoir une acoustique impeccable et qu’il n’y ait pas de chutes sonores entre deux vidéos, ça devient un petit peu compliqué pour nous. Donc bien sûr on s’adapte à chaque projet, on joue différents scénarios et on essaye de donner ses conditions à l’artiste mais ce n’est pas toujours facile. 

Dans le cas de Wu Tsang, comme on a eu plusieurs vidéos on a décidé de présenter la vidéo The show is over, et de lui donner un grand espace au premier étage mais on a repris le même audio, la même partie instrumentale de cette vidéo et on va aussi l’utiliser pour le deuxième étage, sans les paroles, vraiment la partie instrumentale. L’artiste, après, a décidé de faire un editing [montage] à nouveau, de deux pièces — de deux vidéos — et c’est devenu une nouvelle pièce, qui s’appelle The More We Read All That Beauty, The More Unreadable We Are. Pour cette vidéo, elle a repris la partie du texte de chaque vidéo où il a des poèmes, où il a des dialogues, mais le reste de l’audio, la partie instrumentale, arrive du premier étage. On a repris avec les différentes enceintes au premier étage, on a recréé, vraiment, une spatialisation sonore. 


[Pour] l’éclairage dans les escaliers, l’idée était de recréer un peu l’effet qu’on trouve dans les banlieues des villes, avec cette lumière un peu jaune, orange, assez mystérieuse, qui fait aussi partie du film The show is over, dans un certain sens. On a essayé de faire une palette de possibilités et de différents effets, de comment recréer le même scénario mystérieux. Après, on a analysé aussi beaucoup le film, avec tous les différents code couleur qu’on peut retrouver pour effectivement donner la possibilité au visiteur de plonger dans cette réalité et de ne jamais quitter ce monde onirique qu’on retrouve dans le film. Après, on a fait différentes propositions à l’artiste, on a fait différents essais ici chez nous, et voilà ici c’est ce qui a été autorisé, ce qu’on voit.

 

Je suis Lisa Audureau, et je suis chargée de la collection et de la régie des œuvres au sein de la Fondation d’entreprise des Galeries Lafayette et du Fonds de dotation Famille Moulin, qui gère la collection d’œuvres d’art contemporain du groupe Galeries Lafayette. 

Un·e régisseur·euse d’art contemporain, c’est une personne qui va gérer administrativement et logistiquement tous les mouvements d’œuvres d’art qui se passent à l’intérieur, mais aussi à l’extérieur du lieu, des œuvres qui nous appartiennent dans le cadre du fonds de dotation et des œuvres qu’on emprunte ou qu’on produit dans le cadre de la fondation d’entreprise. Gérer ces mouvements c’est aussi gérer tous les risques qui sont liés et donc de prévenir ces risques. Prévenir, c’est un certain nombre de tâches, c’est à dire organiser le transport et vérifier dans quelles conditions l’œuvre va être transportée, c’est assurer la pièce pour qu’elle soit, en cas de dommage, protégée, superviser l’installation de la pièce, et puis prévoir tous les outils nécessaires à l’installation de l’œuvre, le nombre de personnes, prévoir le temps de travail, constater la pièce, vérifier dans quelle état elle est à un moment donné, puis vérifier ensuite si, par exemple pendant le transport, il y a eu un dommage… 

Pour l’exposition Wu Tsang, en termes de régie pure, je peux parler principalement des œuvres physiquement matérielles, parce que finalement il y a très peu d’œuvres dans l’exposition, et sur les six œuvres qui sont présentées, il y en a trois vidéos. Donc ça, c’est vraiment le travail du·de la régisseur·euse technique, qui va prendre cette partie-là. Moi je vais plus travailler sur les œuvres physiques. Peut-être que celle qui  m’a posé le plus question, c’est l’installation des vitraux, Sustained Glass, parce que la pièce avait été coproduite par la Fondation et présentée une fois à Berlin, mais moi je n’étais pas allée la voir à Berlin, comment elle était installée et dans le cadre du covid, normalement les personnes qui avaient produit les vitraux et qui avaient installé la première fois les vitraux à Berlin devaient venir pour superviser l’installation et finalement ils n’ont pas pu venir. 

Nous l’avons appris vraiment deux semaines avant le montage, donc ça voulait dire se réorganiser et faire plus de rendez-vous via zoom, pour comprendre comment la pièce a été installée. Ca c’est bien passé après, c’est des œuvres spécifiques parce que c’est du verre, extrêmement fragile, de grande dimension, ça a nécessité de la préparation. L'installation juste des vitraux, ça a duré deux jours. Le temps de retirer les vitraux de la caisse. Dans la caisse ils n’étaient pas organisés de la même manière, ils n’étaient pas organisés par ordre d’installation mais par taille parce que c’est du verre et que c’est extrêmement fragile. Il fallait sortir tous les verres, les mettre contre le mur. Mettre une zone tampon pour protéger les verres et ensuite les installer au fur et à mesure dans les cadres métalliques. “Sustained Glass” est composée de neufs panneaux en verre qui sont glissés dans des cadres métalliques qui fonctionnent avec un système de parclose avec un premier cadre métallique fixe et puis la partie arrière du cadre se retire, on appose le verre, on referme la parclose, on pose le verre suivant et ainsi de suite. Contrairement à la pièce de Berlin qui était posée au sol, ici l’artiste a voulu la poser sur un socle de 70 centimètres, ce qui a augmenté encore la hauteur d’accroche, ça a nécessité par exemple une nacelle qui montait en hauteur, une nacelle ciseaux, on a posé un verre sur le côté de la nacelle et on l’a monté à hauteur pour l’installer au niveau de la parclose et limiter les risques. Parce que porter à bout de bras un verre qui pèse, pour le plus lourd, 90 kilos, c’est impossible.

Après cet aperçu des coulisses de l’exposition, n’hésitez pas à écouter ou ré-écouter les épisodes de ce podcast ou consultez les interviews de Wu Tsang sur notre médiathèque en ligne ou notre web app Rebond. À bientôt !