Exposition

Jeanne Vicerial, à la recherche des reines oubliées | Exposition Au-delà

L’installation dans l’exposition 'Au-delà' met en scène une Gisante accompagnée de 2 Présences. Ces pièces sculpturales sont le résultat de 5 000 heures de tissage et de moulage, un travail qui découle de recherches approfondies en anatomie afin de redonner vie aux corps oubliés des reines de France enterrées dans la basilique de Saint-Denis. "Les pièces présentées dans l'exposition sont réalisées entièrement à la main à l'aide d'une palette de fils - d'un fil aussi fin qu'un cheveux à un fil épais comme de la corde - et on vient dessiner en 3 dimmensions dans l'espace. L'idée était de proposer une relecture de ce patrimoine et de s'inscrire dans un lieu où le patriarcat a été très présent, et où beaucouop de reines sont présentées de manière anonyme. Il y a peu de traces de la parole des femmes, et c'est aussi une façon de la leur redonner."

Jeanne se tourne dès l’adolescence vers la confection vestimentaire.

Après des études de costumière puis un Master en Design vêtement à l’École des Arts Décoratifs de Paris en 2015, elle s'engage dans un travail de recherche qui prend la forme d’une thèse de doctorat SACRe (Sciences, Arts, Création, Recherche) soutenue en 2019. 

Elle approfondit sa recherche par la mise au point, grâce à un partenariat avec le département de mécatronique des MINES ParisTech, d’un procédé robotique breveté permettant de produire des vêtements sur-mesure et sans chute. Parallèlement, elle s'engage dans une démarche artistique qui la pousse à fonder, après un passage chez Hussein Chalayan, le studio de recherche et de création Clinique vestimentaire. 

Au-delà de ses créations personnelles, elle initie rapidement de nombreuses collaborations avec des artistes d’horizons divers : photographes, sculpteurs, performeurs, chorégraphes, musiciens, parfumeurs... 

Pensionnaire à l’Académie de France à Rome – Villa Médicis en 2019-2020, ses créations ont notamment été exposées à Lafayette Anticipations à Paris (2023), au Palais de Tokyo à Paris (2018) à Rome (Villa Médicis et Palais Farnèse, 2020), à la Collection Lambert en Avignon (2021) et ont récemment intégré la collection du Cnap (Centre national des arts plastiques).

Transcription

Jeanne Vicerial, artiste et chercheuse.

Je travaille principalement à l’aide de fils et de cordes, donc je n’utilise jamais de tissu dans mon travail. La technique principale est celle du tricotissage, qui est une technique qui à l’origine s’inspirait du tissu musculaire humain. Je suis venue copier des sortes de patron d’anatomie humaine issus des livres de sciences. Je venais copier le tissage musculaire.
Les pièces présentes dans l’exposition Au-delà sont réalisées entièrement à la main à l’aide d’une palette de fils. C’est-à-dire que c’est comme une palette de stylos avec un fil aussi fin qu’un cheveu à un fil épais comme de la corde et on vient en quelques sortes dessiner en 3 dimensions directement dans l’espace.
Chaque pièce nécessite entre 200 et 1200h de travail à la main, donc il y a aussi ce rapport au temps qui est important dans cette technique utilisée. Il y a donc la technique du tricotissage et des dérivés comme le macramé, la dentelle et des techniques ancestrales de cordes. 

L’installation présente dans l’exposition met en scène une Gisante accompagnée de 2 Présences. Cette Gisante c’est la première que je réalisais à l’atelier. C'est une étape embryonnaire de ce qu’il s’est passé à la basilique St Denis, l’installation qu’il y a eu là-bas dans le cadre du programme Monde Nouveaux. C’était l’idée d’avoir une relecture de ce patrimoine qui est aussi la plus grande nécropole d’Europe où sont présents les Rois et les Reines de France mais il y a peu de traces de la parole des femmes. L’idée c’était d’intervenir sans forcément être invasives, mais pour redonner une parole au passé pour essayer de comprendre un peu quelques notions du présent. Il s’agissait aussi de s’inscrire dans un lieu où le patriarcat a été présent durant l’histoire et aussi de se rencontre compte au fil du temps, qu’il y a beaucoup de reines qui sont présentées de manière anonyme, c’est aussi une façon de leur redonner une parole et de considérer cette nécropole comme une sorte de laboratoires de corps. On est venues avec l'atelier prendre des mesures de manières non invasives, essayer de les étudier pour reconstituer des corps à l’état endormi, comme les gisantes mais aussi à l’état éveillé comme les Présences. Voilà l’idée de cette installation. Et puis il y a aussi la présence des reliques, qui donne le nom à une basilique, ici est oniriquement présentée ici par un travail des fleurs qui représentent la flore de ces gisantes. 

Dans cette installation, il y a vraiment l’idée de cette gisante qui est prête à se réveiller accompagnée des deux corps qui sont déjà en état de réveil dans une sorte de lévitation. 

L’une des Présences à côté de la Gisante est également une pièce, un totem que j’avais réalisé pour le chorégraphe Hervé Robbe : c’était à la fois un corps inerte et qui était animé aussi par le travail de quatre danseurs qui viennent autour de la pièce, qui s’appelle Sollicitude, animer cette présence. Il y a aussi le rapport au rituel et l’activation qui peut avoir lieu et donc ces installations peuvent être aussi animées par la présence de danseurs ou d’acteurs.